- foxw39
Une commission spéciale pour les retraites: une fausse bonne idée ?
Ou pourquoi les deux projets de loi pourraient ne pas être adoptés en même temps, ce qui donnerait lieu à une seconde bataille à l’Assemblée nationale.
La République en Marche a fait le choix de constituer une commission spéciale pour étudier les deux projets de lois retraites, le projet ordinaire et le projet organique qui étend notamment le régime universel aux parlementaires.
Au cours des réformes précédentes, la commission des affaires sociales était saisie au fond. La commission des finances et la délégation aux droits des femmes, rendaient un avis. En 2010, la loi organique avait été adoptée en commission des lois comme en 2013. Les commissions démarraient leurs travaux en même temps. En 2003, 6 500 amendements avaient été étudiés en 3 jours par la commission des affaires sociales.
La commission spéciale, instance unique, peut se réunir dans un délai très court après le Conseil des ministres et permet de limiter le temps des débats. Toutefois, après plusieurs jours d’examen, il apparaît que le choix classique d’une commission au fond par projet de loi, et d’une ou plusieurs commissions pour avis aurait été plus judicieux.
En effet, la composition de la commission et son fonctionnement ne permettent pas de gérer l’obstruction :
· Les groupes politiques ont désigné leurs meilleurs spécialistes et leurs orateurs les plus aguerris. On y retrouve – entre autres – des anciens rapporteurs généraux, des présidents de commission ou de groupe. La plupart d’entre eux ont vécu les deux voire, les trois dernières réformes des retraites en qualité de parlementaire ou même de ministre.
Le ministre, moins rompu à l’exercice, répond peu sur le fond aux interpellations et questions très précises de ces spécialistes. Ne pas répondre fait perdre du temps, suscite des agacements et des incidents.
· Une commission spéciale casse les amitiés transpartisanes, les connivences, le respect mutuel qui se forge au cours des mois entre les commissaires. La commission spéciale n’a pas de cohésion interne.
· La commission spéciale permet à tout député, y compris non-membre, de venir défendre ses amendements librement.
Les commissions pour avis, en débattant séparément, évitent une sur-fréquentation de la commission au fond. Ici, la commission spéciale devient le seul lieu d’expression des oppositions avant la séance publique. Cela conduit à ralentir les débats. L’ouverture des débats à tous resserre les liens par groupe politique au détriment du lien de collectif de la commission.
· La commission spéciale, dans un souci bien compréhensible de transparence, n’a pas demandé de siéger à huis clos. Certains y trouvent avantage : dans le contexte d’un mouvement social d’ampleur, certains députés souhaitent à l’évidence être entendus à l’extérieur.
· De ce fait, la présidente qui d’ordinaire gère les débats sereinement, ne peut le faire aussi aisément. La présidente a peu de marge de manœuvre dans la conduite des débats.
· Le rapporteur général du projet ordinaire n’appartient pas à la commission des affaires sociales. En dépit de toute sa bonne volonté, il est lui-même parfois indécis. On se souvient qu’au cours de la commission spéciale PACTE, Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, occupait le poste de rapporteur général. Un bon équilibre avait alors été trouvé avec la présidente et les membres de la commission. Il est nécessaire que le rôle de rapporteur principal ou général d’un projet de loi soit un poids lourd de la commission la plus représentée au sein de la commission spéciale.
Dans ces conditions, le projet de loi ordinaire ne sera probablement pas achevé mais arrivera en discussion en séance publique, ce qui est prévu par la Constitution.
Le projet de loi organique sur lequel 399 amendements ont été déposés n'a fait l'objet d'aucun débat en commission spéciale et préalable indispensable pour être inscrit à l’ordre du jour de la séance publique. Reste donc à lui trouver une place… Mais quand ?